Barbara Iweins'
Bucket List

About

Cartographier, classer, inventorier.

Non pour figer, mais pour apprivoiser l’inconnu.

Il y a dans ce geste quelque chose d’un réflexe vital : créer des cases pour ne pas me perdre, dessiner des structures pour rester debout face à ce qui se dérobe.

Le monde est flou, souvent absurde, et l’équilibre, précaire. Classer m’aide à tenir. C’est une façon d’interrompre le vertige, de ralentir ce qui m’échappe, de donner une forme (même provisoire) à ce qui me trouble.

Prendre le temps d’observer, parfois des années, c’est déjà refuser de conclure trop vite. Dans la vie de tous les jours, face aux dissonances du monde, ma colère intérieure déborde souvent. Mes travaux deviennent alors un moyen de canaliser cette énergie : cartographier, classer, inventorier. Non pour figer, plutôt pour apprivoiser l’inconnu. C’est ma manière de transformer l’emportement en geste constructif. Car il n’existe pas de vérité instantanée : seulement des couches, des angles, des silences à considérer. Ce que l’on voit dépend toujours d’où l’on regarde, et du temps qu’on accepte d’y consacrer.

À tâtons, j’ai commencé par dresser des inventaires intimes : les regards désarmés à l’aube dans 7AM/7PM, le tumulte intérieur peu à peu dissous dans Bath, les cases dont on ne se défait pas dans Boxes.

En quittant Amsterdam, j’ai choisi de prendre ma propre vie pour terrain d’étude. Dans Katalog, j’ai photographié un à un les 12 795 objets que je possède. Ensemble, ils tracent les lignes discrètes d’un autoportrait.

Aujourd’hui, avec Les Privilèges Invisibles, ce sont les trajectoires humaines que je tente de saisir, à travers un nuancier de données, de récits et de visages.

L’image s’est imposée comme médium de prédilection, mais les mots m’ont toujours tenue debout. Aucun artiste ne m’a mieux soignée qu’Édouard Levé, Stig Dagerman ou Milan Kundera. Depuis, l’écriture se tisse dans chacun de mes projets, comme une trame invisible.

Monomaniaque, je suis incapable de mener plusieurs projets de front. Pourtant, pour respirer au milieu de mes travaux au long cours, je m’accorde, depuis peu, des brouillons d’écriture. "Ma vie en névrose" en est un.